Dispositif Apport Cession, réinvestissement et conditions

L’apport cession est une pratique permettant de reporter l’imposition sur les plus-values mobilières lors de l’apport de titres de société à une holding. Consacré par l’article 150-0 B ter du Code général des impôts, l’apport cession constitue la pierre angulaire de la plupart des stratégies patrimoniales des dirigeants d’entreprise souhaitant se retirer de l’aventure entrepreneuriale pour envisager de nouveaux types d’investissement ou transmettre leur patrimoine en limitant les frottements fiscaux. Comment fonctionne l’apport cession ? Quelles sont les conditions pour en bénéficier ? Dans quels produits financiers investir le produit de cession ? Nous allons faire un tour d’horizon sur l’apport cession pour vous dispenser les bons conseils pour mettre en œuvre cette opération d’une ampleur très particulière.

Sommaire

Pourquoi effectuer un apport cession ?

Lorsqu’un dirigeant et/ou un actionnaire souhaite quitter une aventure entrepreneuriale, il doit trouver un repreneur. La solution classique consiste à céder ses parts ou actions à un acheteur au moyen d’un contrat de cession. Si les parts ou actions sont vendues plus chères qu’elles ont été achetées, le vendeur aura réalisé une plus-value imposable selon le régime des plus-values mobilières.

Sans tenir compte des régimes fiscaux spéciaux propres à certains types de dirigeants d’entreprise, une plus-value immobilière est taxée sur application de la flat tax de 30 % (12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % titre des prélèvements sociaux). Une taxation non négligeable au regard des montants importants de la plupart des cessions de titres d’entreprise. À noter qu’il est aussi possible d’opter pour l’intégration de la plus-value dans les tranches marginales de l’impôt, une solution parfois intéressante pour bénéficier notamment des avantages fiscaux (abattement) réservés aux dirigeants de PME ou créateurs d'entreprise.

Or, une question fondamentale se pose pour le cédant d’une entreprise : que faire du produit de cession de ses titres financiers ? Dès lors que le montant de la cession est important, une partie non négligeable du produit de cession sera réinvesti dans d’autres actifs financiers. Il est donc indispensable de planifier sa gestion de patrimoine en amont de la cession.

C’est là que l’apport cession peut jouer un rôle essentiel en reportant l’exigibilité de l’impôt sur la plus-value. Au lieu de céder directement les parts ou actions à un acheteur, il est possible d’apporter les titres à une holding puis de les lui céder. Normalement, l’apport en société est considéré comme une cession rendant exigible l’impôt sur les plus-values, mais le dispositif de l’apport cession consacré par l’article 150 O B ter permet de reporter la plus-value latente sous réserve de respecter plusieurs conditions. A noter que cette solution peut également être intéressante pour les détenteurs de BSPCE, un mécanisme utilisé par de nombreuses startups.

Exemple : Madame Y aimerait céder les actions de sa SASU fondée en 2008 avec un apport de 1 000 €. La valeur des actions est à ce jour estimée à 1 000 000 €. La plus-value de cession est donc estimée à 999 000 €. Si Madame Y cède directement ses titres à un acheteur au moyen d’un contrat de cession, elle devra s’acquitter de 999 000 x 0,3 = 299 700 € d’impôts sur la plus-value (nous ne tenons pas compte du régime spécial des dirigeants d’entreprise).

Toutefois, Madame Y peut recourir à l’apport cession en apportant ses actions à une holding constituée à cet effet. La plus-value sera automatiquement placée en report. Elle pourra ensuite revendre les actions à un repreneur tout en conservant le bénéfice du report sous certaines conditions.

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C'est parti

Quelles sont les conditions pour bénéficier du report d'imposition de l’apport cession ?

Le report d’imposition issue du dispositif d’apport cession n’est pas ouvert à toutes les opérations d’apport de titres financiers à une holding. Certaines conditions cumulatives sont à respecter pour bénéficier du report de l’impôt :

  • l’apport des titres doit être réalisé en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ayant signé une convention fiscale avec la France
  • au moment de l’apport, la holding (la société qui reçoit l’apport) doit être contrôlée par l’apporteur c’est-à-dire que l’apporteur (ou son groupe familial) détient directement ou indirectement la majorité des droits de vote ou des droits sur les bénéfices
  • la holding doit être soumise au régime de l’impôt sur les sociétés
Notice Finary

L'astuce de Finary

À noter que l’apport à la holding peut faire l’objet d’une soulte (paiement d’une somme d’argent) d’un montant maximum de 10 % de la valeur nominale des titres reçus sans pour autant remettre en cause l’apport cession.

Cette possibilité permet à l’apporteur d’obtenir des liquidités personnelles sur l’opération tout en bénéficiant du régime de l’apport cession. Bien entendu, la soulte est imposable au titre de l’impôt sur les plus-values au niveau de la personne de l’apporteur.

Apport cession : le réemploi du produit de cession des titres apportés

L'opération d’apport cession est donc relativement simple dans son principe :

  • l’actionnaire apporte ses titres sous la forme d’un apport en nature à une holding soumise à l’impôt sur les sociétés
  • en échange, l’actionnaire reçoit des titres financiers de la holding (actions et parts sociales) proportionnellement à la valeur des titres apportés.
  • la holding est désormais propriétaire des titres financiers apportés, l’apporteur s’en trouve dépossédé. Par contre, l’apporteur est propriétaire des titres de la holding obtenus en contrepartie de l’apport effectué.

Exemple : La valeur des titres apportés par Madame Y à la holding est estimée à 1 000 000 €. La holding devient le nouveau propriétaire des titres apportés, son actif financier est donc estimé à 1 000 000 €. En contrepartie, Madame Y reçoit des actions ou parts de la holding pour une valeur nominale de 1 000 000 € soit 100 % du capital social de cette dernière s’il n’y pas d’autres apporteurs.

La holding peut ensuite céder les titres apportés à un tiers. Si le prix de cession est égal à la valeur retenue lors de l’apport, aucune plus-value n’est à constater au niveau de la holding.

Toutefois, le report de l’impôt est toujours latent sur la personne de l’apporteur. Pour conserver le bénéfice du report d'imposition, il convient de distinguer deux cas de figure :

  • cession des titres apportés a été effectuée avant 3 ans à compter de l’apport, entraînant une obligation de réinvestissement du produit de cession dans les 2 ans dans des actifs définis par l’article 150 O b ter
  • cession des titres apportés a été effectuée après 3 ans à compter de l’apport. Dans ce cas, la holding peut disposer du produit de cession comme elle l’entend sans remettre en cause le report d’imposition.

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L’obligation de réinvestissement du produit de cession : dans quels actifs investir ?

Dès lors que les titres apportés sont cédés par la holding dans un délai inférieur à 3 ans à compter de l’apport, la holding a pour obligation de réinvestir au moins 60 % du produit de cession dans une activité éligible dans les 24 mois suivant la cession. Dans le cas contraire, l’apporteur perdra le bénéfice du report de l’impôt entraînant l’exigibilité de l’impôt sur la plus-value latente.

Les 40 % restants du produit de cession peuvent quant à eux être investi librement ou être préservé sous la forme de liquidités.

La création d’une nouvelle activité entrepreneuriale

Le quota des 60 % peut être investi dans la création d’une nouvelle activité commerciale, artisanale, industrielle, libérale, agricole ou financière. Cette nouvelle activité peut être réalisée directement par la holding ou par l’intermédiaire d’une société dédiée par le biais d’un apport en numéraire (apport en capital). Dans ce dernier cas, l’investissement doit conférer le contrôle de la société à la holding.

Toutefois, les activités de gestion de patrimoine immobilier et mobilier sont exclues du dispositif. Autrement dit, l’apporteur ne pourra pas utiliser le quota de 60 % pour effectuer un investissement locatif ou se constituer un portefeuille d’actifs financiers non éligibles au dispositif d’apport cession.

La souscription de parts de fonds d’investissement

Pour autant, depuis la loi de finances de 2019, la holding peut investir le quota des 60 % dans des fonds d’investissement dédiés au capital risque et à l’innovation. Il s’agit principalement :

  • des fonds communs de placement à risque (FCPR)
  • des fonds professionnels de capital investissement (FCPI)

Ces fonds appartiennent à la grande catégorie des FCP (fonds communs de placement) soumis à l’agrément de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) permettant à l’investisseur d’investir en une fois dans plusieurs entreprises sans pour autant prendre part à la gouvernance du fonds. En l'occurrence, les fonds éligibles à l’apport cession sont principalement orientés autour du financement de start-up et des PME/TPE innovantes. Si le sous-jacent peut être qualifié de très risqué, ces types de fonds permettent de diluer le risque en investissant dans de nombreuses entreprises. C’est le concept du capital risque.

Pour conserver le report de l’impôt, les parts et actions de fonds d’investissement devront être conservées pendant 5 ans. Il est donc impossible d’effectuer des arbitrages de fonds pendant cette période.

Notice Finary

L’avis de Finary

Investir 60 % de son capital dans des FCPR et FCPI est une stratégie d'investissement très risquée. La diversification sectorielle est très faible en raison du type restreint d’entreprises financées par l’intermédiaire de ces fonds. En effet, il s’agit principalement d’entreprises intervenant sur le marché des nouvelles technologies dont la plupart sont vouées à disparaître (d’autres par contre verront leur valorisation exploser).

Au demeurant, si le quota des 60 % représente une partie trop importante de votre patrimoine, il peut être préférable d’attendre l’écoulement de la période de 3 ans avant d’envisager la cession des titres apportés permettant ainsi d’investir librement le produit de cession.

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Investir dans une société en vue de la contrôler

La 3eme possibilité pour investir le quota des 60 % réside dans la souscription de parts ou actions de société en vue d’en prendre le contrôle. Il s’agit par exemple de prendre part à la levée de fonds d’une start-up ou d’une entreprise quelconque (sauf gestion d’actifs immobiliers ou portefeuille de titres financiers) au travers d’une augmentation de capital ou d’une cession.

Dans quoi investir le reliquat des 40 % du produit de cession ?

Si vous cédez les titres apportés avant 3 ans, vous pouvez réinvestir 40 % de la plus-value librement. Reste à savoir dans quoi investir. Pour ce faire, vous pouvez consulter nos guides dédiés à l’investissement :

Aussi, selon le montant que vous souhaitez investir, votre stratégie de placement peut différer. Nous avons rédigé **des guides pour vous aider selon le montant du capital à investir **:

Apport cession et transmission patrimoniale : le duo gagnant ?

Outre le report de l’impôt, l’apport cession peut jouer un rôle dans la transmission de son patrimoine par anticipation. En effet, il est possible de donner les titres de la holding tout en conservant le report d’imposition. Ceci étant, le report est transféré sur la tête du donataire (celui qui reçoit) de sorte que ce dernier sera engagé vis-à-vis de l'administration fiscale dans les mêmes conditions que le donateur (celui qui donne). Forcément, la donation donnera lieu au paiement de droits de donation dont le montant varie selon les liens familiaux entre le donateur et le donataire.

L’autre point intéressant de l’apport cession dans sa dimension patrimoniale réside dans l'exonération de la plus-value reportée en cas de transmission des titres de la holding suite au décès de son propriétaire. Une stratégie idéale pour transmettre son patrimoine tout en évitant la case impôt sur les plus-values !

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